En thérapie, ou le chaos dans le chaos
Je parle de chaos, mais en fait, il ne se passe rien, aucune action. Rien en apparence. La série débute au moment des attentats du 13 novembre 2015. Tous sont touchés, mais chacun des personnages porte aussi en lui un chaos plus intime.
Ce qui surprend d'abord, c'est ce cadre, ce cabinet avec son divan, presque un peu trop classique. Enfermée dans ce huis clos, avec un parquet qui craque, presque chaleureusement, la voix paisible et enveloppante du psy, il nous faut bientôt faire face à la violence. La violence des émotions, la violence des histoires de chaque personnage, la violence de leurs propos. Et souvent, ça interroge, ça remue. Il n'est pas rare que l'on se sente bousculé, alors même que l'on se pensait tranquillement assis dans notre canapé, et non dans le divan, en train de regarder une série, tout à coup, on se surprend à être projeté dans le divan, et non plus dans le canapé, à s'interroger sur nos propres fêlures.
En thérapie - Synopsis etc.En thérapie est une adaptation d’une série israélienne, Betipul, elle a aussi été adaptée dans de nombreux pays. Elle est réalisée par Eric Toledano, Olivier Nakache (Intouchables, Hors normes, le Sens de la fête, etc.), Mathieu Vadepied, Pierre Salvadori, Nicolas Pariser. Quant aux scénaristes, David Elkaïm, Vincent Poymiro, Pauline Guena, Alexandre Manneville, Nacim Mehtar, Eric Toledano, Olivier Nakache. Ils sont nombreux, d’où la qualité des dialogues, et il fallait bien ça pour traiter le thème de la psychanalyse. Nous sommes donc à Paris, aux lendemains des attentats de 2015, et nous suivons Philippe Dayan (Frédéric Pierrot) qui reçoit chaque semaine, une chirurgienne (Mélanie Thierry) en plein doutes amoureux et dont le transfert qu’elle fait sur son psy tourne à l’obsession, un agent de la BRI (Reda Kateb) traumatisé par son intervention au Bataclan, un couple en crise (Clémence Poésy et Pio Marmaï) et une adolescente bouleversée (Céleste Brunnquell), portée sur l’auto-destruction, voire le suicide. Déstabilisé par les récits qu’il reçoit, il finit par renouer avec Esther (Carole Bouquet), son ancienne analyste, sa "contrôleuse", avec qui il avait coupé les ponts depuis 12 ans. |
Confrontée à la confidentialité
Jamais les mots, les dialogues n'auront eu autant d'impact dans une série. Et ce sont ces dialogues qui déroulent sous nos yeux le travail de psychanalyste. On touche ici à quelque chose de sacré : la confidentialité entre un thérapeute et son patient. Nous sommes là, spectateurs muets, mais remués, empathiques, bouleversés, un peu mal à l'aise. On pénètre dans ce huis clos, à la fois comme invités et comme voyeurs. Et alors qu'on pensait juste regarder, tout à coup nous aussi on partage avec les personnages ces contradictions, ces frustrations, ces tristesses, ces envies, ces hontes. Et on comprend alors que tous ces mots, ces mots de patients, ces mots de psy, ils sont là pour nous raconter, une seule et même histoire : celle de l'humain, celle qui raconte ce que c'est qu'être en vie. Est-on alors étonné de voir le psychologue consulter lui-même ? Je l'ai dit, c'est une histoire d'humain.
Une série sur la psychanalyse ou une série comme une psychanalyse ?
Il y a, c'est vrai, ce côté intrusif dans l'intimité d'une séance entre un psychologue et son patient, mais pas seulement. En thérapie, nous demande presque le même travail qu'une thérapie. Il y a 35 épisodes, il faut s'engager sur la durée et chaque épisode nous laisse avec des interrogations, des failles et des blessures que l'on connaît nous aussi. Le transfert s'opère sur ces personnages. On peut tous se projeter dans cette série, y mettre nos frustrations, nos incompréhensions, et faire notre propre thérapie. Tout ça trouve forcément résonance en nous quelque part. Et c'est d'ailleurs une série assez difficile à binge watcher (et c'est une adepte du binge watching qui vous parle), parce que lorsque le générique final arrive, c'est comme s'il sonnait la fin de la séance, celle de la fiction et la nôtre. Il faut payer et partir, ça fait partie du processus, le travail se fait aussi en dehors.
Et puis, En thérapie, c'est aussi la vie dans ce qu'elle a de plus trivial. C'est fou, mais lorsque je faisais moi-même une thérapie, un jour ma psy, dont le cabinet était dans sa propre maison, est allée ouvrir à la porte, c'était son fils qui sonnait, il avait oublié ses clés, je l'ai entendu lui demander s'il avait des devoirs à faire pour le lendemain. C'était très étrange. Tout à coup, j'entrais dans son univers, alors qu'on était dans le mien, et uniquement dans le mien, depuis déjà 2 mois. La série, c'est aussi ça. Elle se situe à mi-chemin entre ce semblant de psychanalyse et de la télé pure et dure. On y croise des instants de vie, d'une banalité folle : un psychologue qui peut trop boire, avoir des toilettes bouchées ou des problèmes de couple. Et c'est ce pont entre un quasi documentaire sur la psychanalyse et le déroulement de la vie des personnages qui fait tout le sel de la série. Comment même à travers la peine, la mélancolie, la dépression, la vie, la plus simple peut venir frapper.
Pour conclure, je dirais qu'En thérapie, c'est une série qui parle de l’humain, de ce que c’est qu’être un humain et ce que c’est que de vivre. Il y a donc fort à parier qu'on a tous quelque chose à trouver dans cette série.
L'avis de la rédaction : un grand oui !Vous l'aurez compris, nous avons adoré cette série, aucune hésitation à avoir ! Et si l'envie ou le besoin d'entamer une thérapie se font sentir au fil des épisodes, prenez rendez-vous avec un spécialiste. |